lundi 15 décembre 2014

Le roi disait que j'étais diable
Clara Dupont-Monod
Éd. Grasset, 2014, 225


L'avocat de la diablesse

    Clara Dupont-Monod a le chic pour revisiter des personnages décriés par la postérité, quand ce n'est pas par leur époque elle-même. Après le très peu sympathique roi Marc de Tristan et Yseult, l'auteur choisit un personnage d'une toute autre envergure, une femme, cette fois-ci, et de surcroît tristement célèbre. Car c'est bien Aliénor d'Aquitaine qui est au centre du nouveau roman de l'écrivain, où plutôt son premier mariage avec le monarque de France, Louis VII. Elle a alors treize ans.

    En nous transportant dans un douzième siècle gouvernée par une autre échelle de valeur, l'auteur choisit paradoxalement de nous livrer un traitement psychologique et moderne de l'Histoire.
Clara Dupont Monod dénature alors le roman historique, qui, soit dit au passage n'a d'historique que le nom, au profit de la psychologie de comptoir qui se taille la part du lion. Caractéristique de la quasi-totalité du récit, cette psychologie à deux balles accouche d'une construction terriblement ennuyeuse dont le manque d'action est caractéristique, doublée de personnages fichtrement clichés; il y a même une belle mère, c'est vous dire !

    Mais le plus triste dans toute cette histoire est peut être le portrait d'Aliénor que brosse l'auteur. L'héroïne est femme à treize ans. Emancipée, insoumise, et qui par ailleurs est la première à avoir demandé le divorce (et à l'obtenir !), elle cherche tant bien que mal à s'imposer dans une société patriarcale et religieuse, que le lecteur occidental pourrait qualifier de moyenâgeuse mais qui n'a rien à envier à notre monde arabe. Elle aurait put être un modèle, susciter une quelconque admiration. Seulement, celle qui devait jouer à l'avocat de la diablesse la livre en pâture à un public resté hermétique à ses charmes, tant Dupont-Monod la fait égocentrique, cruelle et odieuse. Reste Louis, son mari, qui au mieux nous laisse de glace, au pire suscite la pitié, voire l'agacement. Pas de brèches pour le lecteur qui n'arrive pas à se projeter, à cerner ce personnage immense qu'est Aliénor. La faute peut-être à la narration, qui, à trop vouloir montrer la séparation des personnages, rend ces derniers hermétiques au malheureux qui aurait entrepris de lire Le roi disait que j'étais diable.

    Tant pis. Aliénor nous restera fermée et insondable. Louis avait raison: La forteresse, c'était elle.

Nay Anna-Maria El Achcar

mardi 11 novembre 2014


Éric Reinhardt, L’Amour et les forêts,
Gallimard, 2014.

Un avatar féminin
La force, la simplicité, la résistance sont des qualités attribuées à une femme ambigüe et fictive créée par Éric Reinhardt dans L'Amour et les forêts : Bénédicte Ombredanne. L'idée de ce livre est venue après qu'Éric (le narrateur/auteur) a reçu plusieurs lettres de ses lectrices qui ont des relations maritales malheureuses. Éric rencontre une de ses lectrices, Bénédicte Ombredanne et elle décide de lui raconter sa vie. Cette femme, après 15 ans de mariage et deux enfants, décide de s'inscrire sur Meetic et fait la connaissance de plusieurs hommes mais elle ne décide de rencontrer que Christian. Cette rencontre était le début de sa perte.
Ce roman est différent des autres romans d'Éric Reinhardt. Il met en scène des portraits de femmes et non pas des portraits d'hommes comme dans son roman Cendrillon. L'Amour et les forêts s'inscrit plutôt dans la lignée de Mme Bovary.
En fait, Éric Reinhardt présente Bénédicte Ombredanne comme étant une jeune femme forte qui ne peut pas supporter son mari qui la traite d'une manière inhumaine et violente. C'est une femme qui n'arrive pas à profiter de sa vie mais elle résiste. À l'inverse de son mari, Jean François, qui est un homme compliqué, timide, insignifiant qui harcèle sa femme. Éric Reinhardt est un personnage principal aussi dans ce roman. Dès l'incipit, il commence à parler de lui-même et il se met en scène dans la dernière partie du roman.
Le sujet de ce roman concerne un bon nombre de personnes puisque plusieurs femmes sont éloignées de la vie et de leurs rêves par leurs problèmes familiaux. Éric a impressionné le lecteur par l'utilisation des termes sensibles et poétiques qui permettent au lecteur de s'identifier à Bénédicte. De plus, ce roman permet au lecteur de se poser plusieurs questions: qu'est ce qui est fictif? Qu'est ce qui est réel?
L'Amour et les forêts a sa place sur la liste du Goncourt. À lire!

Waed Kanso,
USJ, Département de Lettres Françaises (Saïda),
Licence, 3ème année.

mercredi 5 novembre 2014

L'ordinateur du paradis.
Benoît Duteurtre.
Ed.Gallimard, 2014, (211p). 

Internet: enfer ou paradis?

     Qui peut nier que notre vie est domineé par la modernité technologique et par les divers types de mass media, devenus de véritables obsessions et des besoins essentiels pour la plupart d’entre nous. L'internet est l'un de ces médias, qui facilite la communication entre n'importe quelles régions de ce monde; il nous ouvre plusieurs fenêtres de culture et de connaissance. Mais, à côté de ces avantages, n'a-t-il pas des inconvénients? Benoît Duteurtre est un romancier, essayiste et critique musical français qui nous montre à travers son roman L'Ordinateur du paradis les pièges de l'internet qui peuvent menacer la vie privée des personnes et la détruire. L’auteur commence de manière assez loufoque à nous présenter la vie après la mort. A travers ce détour dans l’au-delà, fantaisiste seulement en apprence, il aborde en réalité d'autres sujets tels que la protection de la vie privée, la pornographie, le féminisme et la modernisation de notre monde.

    Dans ce roman, l'au-delà comporte: des salles d'attente où il y a des ordinateurs, des tickets, des dossiers qu'il faut remplir en répondant à des questions concernant la vie du sujet sur terre, des hôtesses, des gens de différentes nationalités et origines et des avocats qui peuvent défendre chacun.


     Ensuite, le récit se focalise sur l'histoire de Simon Laroche, personnage principal du roman, qui est rapporteur de la commission des libertés publiques. Sa vie se déroule plutôt sans encombre jusqu'au jour où tout bascule. Un virus informatique fait transférer les infos d'un utilisateur à un autre et Simon découvre un jour,que " sur le Web,rien ne disparaît jamais complètement". Cela l'horrifie et le trouble, puisqu'il passait son temps au bureau à surfer sur des sites porno et à regarder sa favorite "Natacha". Il avait peur que les autres découvrent ce qu'il regarde, ce qui aurait pu causer la ruine de sa carrière, sa réputation et le bon regard de sa femme et de son fils. Alors, un sentiment de culpabilité l'accompagne tout le temps.

    Mais le vrai problème a commencé par une phrase prononcée en privé (lors d'un débat radiophonique), mais qui a été enregistrée puis diffusée sur internet: " La cause des femmes! La cause des gays! J'en ai marre de ces agités qui s'excitent pour des combats dejà gagnés." Alors le public le juge négativement, des groupes de femmes l'attendent chaque jour, devant son bureau et répètent: "Shame on you".Le personnage doit faire face aux attaques diverses. L'auteur parle aussi d'un "dérèglement" qui frappe tout le monde: les mails supprimés reviennent à leurs destinataires, mais se trouvent distribués aussi à leur entourage. Simon aura bien des sueurs froides!

    Benoît Duteurtre présente dans son roman deux points de vue différents sur la question de la pornographie: "Nous, en tant que femmes " qui constitue un mouvement s'opposant à la pornographie sur internet parce que pour les adhérents à ce mouvement, la femme mérite le respect et non pas la dépravation étalée sur les sites. L'autre point de vue est celui du mouvement " Nous, en tant qu'hommes " qui est tout à fait contre ce manifeste (90% des consommateurs de pornographie sont des hommes).

   L’Ordinateur du paradis est un magnifique roman qui mérite d'être lu. Il illustre parfaitement notre époque qui baigne dans la technologie et l'internet. En plus, ce roman prouve qu’internet menace non seulement la vie privée des personnes, mais aussi la securité des Etats. C'est une réalité qui existe dans la vie et qui peut faire chavirer le destin de n'importe qui. Le paradis technologique devient pour Simon Laroche un vrai cauchemar. Nous pouvons ajouter que les sujets sont traités avec un style simple et léger et le roman est écrit avec humour, ce qui pousse le lecteur à suivre le personnage pour découvrir de quelle manière il se trouve aux portes du paradis et pour savoir quelle sera sa destination finale.
Angy Maksoud,
USJ-Tripoli
Troisième année Lettres
L’Amour et les Forêts
Eric Reinhardt, Gallimard.



L’Amour et les Forêts et la Condition Féminine


   Si les romans d’amour ne manquent pas dans un monde assoiffé d’affection, le traitement de ce sujet reste un exercice à manipuler avec précaution. Parmi les romanciers de la rentrée littéraire de 2014 qui ont choisi la voie charnelle dans leur nouveau roman, nous retrouvons Eric Reinhardt, auteur français de plusieurs œuvres notamment Cendrillon publié en 2007 et dernièrement auteur de L’Amour et les Forêts paru aux éditions Gallimard. Faisant partie des huit dernières œuvres retenues pour le Prix Goncourt-Choix de l’Orient, L’Amour et les Forêts n’a toutefois pas eu droit au titre, décerné cette année à Meursault contre-enquête de Kamel Daoud. Une élimination que je peux comprendre ayant moi-même quelques réticences quant au contenu du bouquin.


  Avant de commencer la lecture du roman, et pour attiser ma curiosité, je me suis rendue sur les réseaux sociaux souhaitant découvrir l’avis des lecteurs concernant l’œuvre de Reinhardt. C’est là que j’ai pris connaissance du sujet qui m’a fort intéressé. Une femme, Bénédicte Ombredanne, voulant fuir sa vie de couple presque inexistante, et désirant redonner sens à sa vie de femme, tombe sous le charme de Christian, célibataire de Strasbourg qu’elle découvre sur un site de rencontre. Commence alors sa liaison secrète avec l’homme ; une liaison qui, cependant, ne dure qu’un jour suite aux doutes de son mari. Des doutes qui finiront par être confirmés. Cette aventure d’un jour sans lendemain cause à Bénédicte la perte de ses deux enfants qui ne veulent plus entendre parler d’elle. Pour couronner le tout, Bénédicte apprend quelques temps plus tard qu’elle est victime d’une maladie qui finit par s’emparer de sa vie. Sujet très intéressant certes, mais que l’on pourrait accuser d’être noyé dans un chaos de style familier et de détails pas plus utile que cela, ce qui ne permet pas toujours au lecteur de bien suivre le fil de l’histoire. En effet, la problématique de la condition féminine étant très actuelle de nos jours, il aurait été préférable de s’y concentrer sans tomber dans les scènes à impression de téléréalité. Mettre l’accent sur la vie d’une mère, oui, mais aller jusqu’à employer les termes des adolescents de tous les jours dont l’anglicisme et s’attarder sur les détails des journées des enfants est moins enthousiasmant que ce qu’on peut imaginer. Sans oublier les discussions par chatting qu’entretient Bénédicte avec ses ‘’clients’’ sur le site de rencontre, qui nous sont retranscrits dans un style si brute que ça ne nous donne pas forcément envie de suivre la discussion. Je ne critique pas l’érotisme dans les romans, mais l’érotisme sensuel aurait peut-être était mieux perçu que les images presque pornographiques qu’illustre le roman. Nous remarquons à plusieurs reprises que Bénédicte dit vouloir vivre une aventure avec son amant et renter tard le soir comme le ferait une femme libre. Mais est-ce vrai que la liberté de la femme au XXIème siècle se résume à une relation adultère ? Une vraie femme libre n’est pas au contraire celle qui serait prête à assumer ses choix devant son mari sans cacher durant plusieurs mois son aventure pour finir par
craquer sous le harcèlement de son homme ? Un tas de questions qui nous laissent sur notre faim une fois le livre clos.

Janine Badro
Lettres françaises 3ème année
USJ-Beyrouth

jeudi 30 octobre 2014

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La ligne des glaces
Emmanuel Ruben
Éd. Payot & Rivages, 2014, 320p.

Histoire… la seule Géographie

            « Tout le monde, ici, a l’impression de ne vivre nulle part. » Ici, c’est dans le Nord, quelque part sur les bords de la Baltique, en Grande-Baronnie, « une miette d’Europe » ; le pays jamais nommé, «comme s’il n’avait jamais existé avant 1991. Comme si 1991 était son année zéro».
Marqué par les influences de tout le continent, nordiques, germaniques, russes et même italiennes, ce pays dont on ne sait même pas s’il est d’Europe Centrale, du Nord, de l’Est ou de l’Ouest n’est qu’un non-lieu aux contours indéterminés. Samuel Vidouble, jeune diplomate en herbe, embarque comme volontaire international à l’Ambassade de France pour ce petit pays mystérieux pour mission de délimiter sa frontière maritime qu’aucun traité n’a jamais ratifiée, ou, plus précisément, les frontières du dit pays aux jeux économiques cruciaux. Cette tentative de cartographie s’avérant être irréalisable, impossible, vouée à l’échec, engendre son propre effacement ; Samuel perd son enthousiasme, sombre dans la mélancolie et s’enfouit dans un quotidien déliquescent entre ivresse alcoolique et érotique.
            Le choix de cette destination repose en grande partie sur un rêve infantile : Samuel s’était inventé un pays imaginaire au bord de la mer Baltique. Durant les neuf mois de son séjour sur cette petite île plongée dans un hiver interminable, le jeune géographe part dans une aventure exploratrice des confins de cet angle-mort de l’Europe où ressurgissent des fragments des tragédies de l’Histoire. Le sens se dissout et le fil de la raison qui erre entre le passé douloureux du pays et les rêves cauchemardesques de Samuel se perd dans cet hiver monochrome blanc. Même si tout est fait pour gommer les traces de la violence et de la haine, « ici, il n’a pas fini d’en finir le XXe siècle ». En réalité, ce n’est pas avec la géographie que Vidouble a rendez-vous, mais avec l’Histoire. «La seule vraie frontière n’était pas sur les cartes, n’était ni naturelle ni arbitraire, n’était pas une ligne rouge imaginaire mais une ligne rouge bien réelle, une frontière profonde historique, mémorielle, corporelle, qui n’avait pas tranché l’Europe car il n’y avait jamais eu d’Europe mais qui avait tranché des bras et des jambes, des cous, des cœurs, des langues et des cerveaux.» Dans cet enchevêtrement du réel et de l’hallucinatoire, on comprend que « les frontières ne sont pas dans la nature mais dans les têtes. »
            Emmanuel Ruben emmène ses lecteurs dans un à la fois voyage statique et mouvementé, déroutant et énigmatique qui nous confronte à des interrogations sur cette frontière semi-imaginaire ainsi qu’à la réflexion sur l’identité individuelle, nationale et européenne, nous guidant ainsi vers la « construction » et l’actualité des faits géopolitiques du monde présentement. Il s’agit d’une problématique sensible qui mérite de profondes et amples observations et qui ne se limite pas au continent européen mais pourrait être étendue au monde entier.
Récit romanesque, ce journal de bord emporte ses destinataires, pas à pas, sur des voies continentales et mentales, toujours dans ce tourbillon vrombissant entre le réel et le virtuel, tournant autour de cette phrase qui révèle que « la géographie peut être imaginaire, l’histoire ne l’est jamais ». On comprend ainsi ce que Samuel ignorait avant de le concevoir, et « c’est que les pays sans légendes n’existent pas – que tous les coins de la terre se valent, que l’exil est un mythe, l’asile notre séjour. »
                                                                                    Tonia Marroun
                                                                                    Université Saint-Joseph
                                                                                    Département des lettres françaises
                                                                                    Licence en Littérature Française

dimanche 26 octobre 2014


L’amour et les forêts
Eric Reinhardt, Gallimard, (367 p.)

Bénédicte Ombredanne ou la vierge Marie

 L’écrivain français Eric Reinhardt s’est  imposé dans le monde des lettres  avec cinq ouvrages dont le dernier est  L’amour et les forêts . Comme le titre le suggère, il s’agit d’un mélange de deux réalités ou plutôt de l’au-delà et de la réalité. Reinhardt,  ércivain caracterisé par la sensibilité, a fait d’une lectrice particulière l’heroïne d’un roman. Cette lectrice qui s’appelle Bénédicte Ombredanne partage avec l’écrivain la passion de la littérature qui est l’allée vers l’au-delà .
Avec Bénédicte Ombredanne,  on réalise à quel point la vie peut ressembler à des forêts. Bien sûr, une femme harcelée par l’homme qu’elle a choisi pour la vie, considérée comme une servante qui n’a pas le droit à une évasion pour la première fois de sa vie après le mariage, va subir  la sauvagerie de cette forêt.
Parsuite, L’amour et les forêts nous apprend que la question des droits des femmes n’est pas d’actualité seulement en Orient, mais en Europe aussi où il se trouve encore des femmes victimes des clichés la société qui les réduit à la pitié. Cette œuvre nous plonge dans le monde intérieur de l’heroïne à tel point que le lecteur se met à la place de Bénédicte Ombredanne.
 Autre question délicate que pose le roman, c’est celle de l’adultère. Bénédicte Ombredanne a réalisé son rêve un jeudi en rencontrant un homme qui lui fait oublier l’amertume de l’existence pour six heures de temps. Et là, la lecture se mue en procès :  est-ce qu’on peut reprocher à Bénédicte Ombredanne ces six heures d’adultère ?  La sauvagerie du mari ne justifie t-elle pas le comportement de la femme ?
  Aznavour a dénoncé en chanson l’injustice que peuvent subir les femmes et la nécessité de les protéger par les lois :
« Depuis qu’avec l’homme sur terre elle fut mise
   La femme pour des millénaires  fut soumise »
Eric Reinhardt , par une œuvre fascinante a dévoilé la réalité navrante, mais hélas commune, d’une femme de ce monde. A nous, lecteurs et lectrices, de saisir le message et de prendre  position pour changer cette maudite réalité.

Rime Khalaf
Deuxième année Lettres
Université Saint Joseph au Nord.